
Ernest Chantre, “Kurdes”, Missions scientifiques en Transcaucasie, Asie Mineure et Syrie, 1890-1894: recherches anthropologiques dans l’Asie occidentale, Archives du Muséum d’histoire naturelle de Lyon – 6, H. Georg, Lyon 1895, p.78

(…)
C’est à Soverek que j’ai rencontré pour la première fois la tribu
redoutée des Kurdes Zaza qui habitent en grand nombre cette localité. Il
y avait môme, au moment de notre passage, outre une brigade de zaptiès
(gendarmes) un bataillon d’infanterie campé au milieu de la ville. Ce
déploiement inaccoutumé de forces était destiné à réprimer, le cas
échéant, reflfervescencedes zaza de la région, exaspérés
par la mise à exécution de la loi de recrutement. Jusqu’à ces dernières
années, le gouvernement turc n’enrôlait que les volontaires, ce qui ne
constituait qu’un bien faible contingent, tandis que, cette année, la
levée ne comprenait pas moins de 1500 homtnts.
Cette tribu
importante des Zaza est répandue principalement dans les montagnes de
Dersim, situées dans les provinces de Kharpout et d’Erzinghin. On dit
que le dialecte zaza est spécial; toutefois, il est, suivant les
régions, fort mélangé de mots arméniens ou de mots arabes et turcs. J’ai
observé un grand nombre de Zaza à Diarbékir. Et ce ne fut pas chose
facile que de soumettre ces
terribles indépendants aux mensurations
anthropométriques. Seuls, l’appât d’une légère rémunération et la
visite d’un médecin français parvenaient à décider ces hommes réduits à
la dernière misère, à la suite de famines successives.
C’est
aussi à Diarbékir et surtout plus au sud que se trouvent en nombre
considérable les Yézidi. Ces Kurdes forment, comme on le sait, une secte
méprisée des musulmans J’ai rencontré fréquemment des membres de cette
secte durant mes voyages en Kurdistan et en Arménie russe, sur les
confins de l’Ararat.
On a beaucoup écrit à ce sujet, mais la
question n’a jamais été traitée d’une manière scientitique. Quant à
l’historique de cette secte, il a été retracé admirablement dans un
livre publie récemment par M, Menant ^ L’auteur a peint, dans ce volume,
avec sa clairvoyance habituelle, la vie et les vicissitudes de ce
pauvre petit peuple, digne pourtant d’un meilleur sort, et auquel ou ne
peut moins faire que de s’intéresser.
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Source: E.
Chantre, “Les Kurdes, Esquisse Historique et Ethnographique”, Bulletin
de la Société d’Anthropologie de Lyon (1896), 1897, p.197